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Éminences,
Excellences,
Cher Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, Archevêque de Reims et Président de la Conférence des évêques de France,
Chers amis et frères en Christ,
C’est avec une joie profonde et sincère que nous avons le plaisir de vous retrouver ici, dans cette belle ville de Paris, au cœur d’une assemblée qui manifeste avec force l’esprit de synodalité unissant les évêques catholiques de France. C’est désormais une tradition d’hospitalité réciproque et de charité qui unit les Églises de France et de la Ville de Constantin.
Comment ne pas évoquer, Excellence, l’honneur et les marques d’estime que vous nous avez manifestées lors de votre visite au Phanar en février dernier, accompagné du Pasteur Christian Krieger de la Fédération protestante de France. Aujourd’hui, la générosité de cette réception offerte par la Conférence des évêques que vous présidez, participe à notre ferme engagement à œuvrer en faveur de la réconciliation de nos Églises sœurs par des gestes de charité œcuménique.
Les relations entre le Patriarcat œcuménique et l’Église catholique de France ne sont ni une nouveauté ni une innovation. Il faut peut-être rappeler ici en passant que c’est dans le contexte de la Paix clémentine (1669-1679), dans la seconde moitié du XVIIe siècle, que les échanges entre l’Assemblée des évêques de France, ancêtre de la présente assemblée, et le Synode permanent de la Ville de Constantin ont permis d’entamer un dialogue théologique profond et fructueux. Surmontant les préjugés séculaires liés à la séparation douloureuse des Églises d’Orient et d’Occident, l’Église catholique de France a toujours montré un grand intérêt pour le rapprochement des Églises. Par ses travaux d’érudition, elle a continuellement manifesté un vif intérêt pour la théologie patristique de l’Église byzantine, pour son ecclésiologie et sa tradition liturgique, voyant en tout cela, autant d’éléments susceptibles de créer les conditions favorables à la réconciliation et à la communion. Au-delà de la séparation, elle a toujours insisté sur ce qui unit nos Églises plutôt que sur ce qui les divise. Son rôle de médiation entre Rome et la Nouvelle Rome n’est plus à démontrer. Et le rôle de l’épiscopat français dans les diverses commissions du Concile Vatican II est connu de tous.
C’est donc conscient de cette longue amitié, et dans le désir de la voir se renforcer, que nous avons répondu favorablement à la première invitation de la Conférence des évêques de France en 1995. Ce fut un honneur d’être si chaleureusement accueilli par une assemblée dont nous ne pouvons qu’admirer le sérieux et la compétence dans son souci d’adapter l’évangile et son annonce aux conditions particulières de la République française liées notamment à l’émergence du principe de laïcité et aux défis de l’époque contemporaine comme la sécularisation. Ainsi, depuis cette époque, le dialogue n’a pas cessé et les métropolites orthodoxes de France y ont régulièrement été invités et consultés pour échanger sur les questions sociétales.
Il suffit ici d’évoquer la question de l’environnement pour voir la communauté de vues qui nous unit. Sa Sainteté le pape François dans son encyclique Laudato si’ a assez marqué le rôle pionnier de l’Église de Constantinople sans que nous le rappelions ici. Ce que nous retenons de cette généreuse évocation, c’est qu’il est désormais possible de trouver un terrain d’entente pour témoigner, malgré nos divisions, de l’espérance qui nous habite, nous les chrétiens de toutes confessions, face à un monde blessé par les guerres et les dérèglements climatiques.
Sa Sainteté le pape François lors de sa récente visite à Marseille a souligné que l’intérêt pour la maison commune qu’est notre planète et le sort des migrants, premières victimes des mutations climatiques, devaient être le souci majeur des chrétiens de France. Il a dessiné les contours d’une action commune riche d’espérance. Une fois encore, nous tenons à exprimer notre gratitude à notre frère, Sa Sainteté le pape François pour l’accueil fait aux évêques orthodoxes lors de ces rencontres. Il convient aussi de remercier les évêques catholiques de France qui ont démontré une attitude particulièrement fraternelle à l’égard des participants orthodoxes. Nous nous réjouissons donc de voir que la synodalité, que Sa Sainteté le pape François appelle de ses vœux, n’est pas qu’une position de principe. Elle est une manière de vivre la catholicité de l’Église où le local et l’universel ne se contredisent pas. La synodalité est un chemin exigeant où le consensus est de règle, et non pas l’unanimité imposée.
Un autre horizon s’offre à nous après ces rencontres méditarranénnes. Le jubilé de 2025, « Pèlerins de l’espérance » est aussi une invitation à approfondir ce cheminement spirituel en commun comme un véritable pèlerinage œcuménique de réconciliation. Nous devons être remplis de cette espérance qui unit tous les chrétiens. Cette attitude est nécessaire en ces temps de guerres et de catastrophes planétaires. Mais plus qu’une attitude, l’espérance est un don de Dieu : elle nous unit à Lui envers et contre tout. Comme le poète Charles Péguy le notait : « La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance » !
Éminences, Excellences, chers amis,
Au-delà de ces horizons proches, comment ne pas faire part de notre souhait de voir un jour tous les chrétiens célébrer Pâques à une date commune. Déjà en avril 1700, Cassini avait invité l’archimandrite Chrysanthe Notaras, féru d’astronomie et futur patriarche de Jérusalem, à séjourner à l’Observatoire de Paris pour réfléchir dans un cadre scientifique à la nécessité d’une réforme du calendrier. C’est dire assez que ce souhait n’est pas nouveau et qu’il nous ouvre des perspectives pleines d’espérance. Avec ces quelques paroles, permettez-nous de vous remercier une nouvelle fois de votre accueil et de vous redire combien nous sommes heureux d’être parmi vous. Car ainsi que le psalmiste a pu l’écrire : « Voyez qu’il est bon, qu’il est doux, d’habiter en frères tous ensemble » (Ps. 132, 1).